JETER : . v. tr. Lancer avec la main ou de quelque autre manière. Jeter des pierres. Jeter des fusées, des grenades. Jeter ses armes pour s'enfuir. Jeter quelque chose au vent. Jeter quelque chose à la tête de quelqu'un. Jeter un filet dans l'eau pour pêcher. Jeter quelque chose au feu. Jeter des marchandises à la mer pour alléger le navire.
Jeter un châle, un manteau, etc., sur ses épaules, sur les épaules de quelqu'un, Mettre avec quelque promptitude un châle, etc., sur ses épaules, sur les épaules de quelqu'un.
On dit aussi Ce vêtement, cette draperie, etc., est jetée avec grâce, avec élégance, en parlant d'un Vêtement, d'une draperie disposés avec une négligence qui a de la grâce.
En termes de Peinture, Jeter une draperie, Donner une certaine disposition aux plis de la draperie dont on revêt une figure. Ce peintre jette mal ses draperies. Les plis de cette draperie sont artistement jetés.
En termes de Marine, Jeter l'ancre, La faire tomber dans la mer, pour arrêter le navire. Jeter le plomb, la sonde, Laisser tomber la sonde pour connaître la hauteur de l'eau ou la qualité du fond. Jeter le loch, Lancer à la mer le loch pour connaître combien le navire a fait de route pendant un temps donné.
Aux jeux de Cartes, Jeter ses cartes, Refuser de les jouer. Il se dit aussi au Piquet, à l'Écarté, des Cartes dont on se défait pour en prendre d'autres. J'ai jeté les piques.
Fig., Le sort en est jeté. Voyez SORT.
Jeter les fondements d'un édifice, Les asseoir, les établir. Figurément, Jeter les fondements d'un empire, d'un royaume, d'une république, etc., Fonder un empire, etc.
Jeter un pont sur une rivière, Construire, établir un pont sur une rivière. Cela se dit surtout en parlant des Ponts que l'on fait à la hâte pour le passage des troupes, des armées.
Fig., Jeter de l'huile sur le feu. Voyez HUILE.
Fig., Jeter son argent, jeter tout par les fenêtres, Dissiper son bien en folles dépenses. C'est un homme d'ordre et qui ne jette point son argent par les fenêtres.
Fig. et fam., Jeter une chose à la tête de quelqu'un, La lui offrir sans qu'il la demande. Par extension, Il s'imaginait que j'allais lui jeter ma fille à la tête. On dit de même Se jeter à la tête de quelqu'un, à la tête des gens, S'offrir à eux avec empressement et sans être recherché.
Fig. et fam., Jeter quelque chose au nez, à la figure de quelqu'un, Le lui reprocher.
Fig. et fam., Jeter la pierre à quelqu'un. Voyez PIERRE.
Fig. et fam., Jeter de la poudre aux yeux. Voyez POUDRE.
Fig. et fam., Jeter le froc aux orties. Voyez FROC.
Fig. et fam., Jeter le grappin sur quelqu'un. Voyez GRAPPIN.
Prov. et fig., Jeter le manche après la cognée. Voyez MANCHE.
Prov. et fig., Jeter son bonnet par-dessus les moulins. Voyez BONNET.
Prov. et fig., Il n'en jetterait pas sa part aux chiens; Jeter sa langue aux chiens. Voyez CHIEN.
Fig. et fam., Il n'est pas bon à jeter aux chiens. Voyez BON.
Fig., Jeter un voile sur quelque chose, Le passer sous silence.
Fig., Jeter quelqu'un dans un cachot, dans les fers, Le mettre ou le faire mettre au cachot, en prison.
Fig., En termes de Guerre, Jeter des hommes, jeter de l'infanterie, de la cavalerie dans la bataille. Jeter des munitions, des vivres, etc., dans une place, Les y faire entrer promptement.
JETER s'emploie aussi figurément, tant au sens physique qu'au sens moral, dans l'acception de Mettre, placer, diriger, envoyer, etc., et souvent avec l'idée d'une certaine violence, de quelque soudaineté ou rapidité dans l'action. Il fut malgré lui jeté dans cette affaire. Jeter rapidement ses idées sur le papier. Jeter un regard, des regards de compassion sur une personne. Jeter les yeux sur quelqu'un, sur quelque chose. Jeter un regard sur le passé. Jeter l'effroi, l'épouvante dans une maison, dans le camp, etc. Jeter du ridicule sur quelqu'un. Jeter des soupçons dans l'esprit de quelqu'un. Cette étude historique peut jeter une vive lumière, un grand jour sur les causes de l'événement. Jeter quelqu'un dans le péril, dans un danger. Jeter dans l'inquiétude. Votre refus me jette dans un grand embarras. La surprise où les jeta cette nouvelle me fit sourire.
Jeter les yeux sur quelqu'un signifie quelquefois Avoir sur quelqu'un des vues particulières. Il a jeté les yeux sur ce jeune homme pour en faire son gendre.
Jeter les yeux sur une brochure, La parcourir superficiellement.
Jeter des propos, Avancer des propos qui vont indirectement à insinuer ou découvrir quelque chose. Ce ministre a jeté des propos de paix, de guerre.
Fig. et fam., Jeter son dévolu sur quelque chose, Choisir cette chose entre plusieurs autres.
JETER se dit quelquefois dans le sens de Pousser avec violence, tant au propre qu'au figuré. Jeter un homme par terre. Les vents nous jetèrent sur un écueil. La tourmente politique les avait jetés loin de leur patrie.
SE JETER signifie dans cette acception Entrer, se réfugier précipitamment en quelque endroit. On poursuivit le voleur, mais il se jeta dans une allée obscure et disparut. Il se jeta dans le plus épais du bois.
Fig., Se jeter dans un couvent, S'y retirer.
SE JETER signifie encore, tant au propre qu'au figuré, Se lancer, se précipiter, se porter impétueusement dans, contre, vers quelqu'un ou quelque chose. Se jeter par la fenêtre. Se jeter dans le feu, dans un puits, dans la mer. Se jeter sur une chaise, sur un lit. Se jeter au cou de quelqu'un pour l'embrasser. Se jeter à genoux. Se jeter aux genoux de quelqu'un. Je me jette à vos pieds. Il s'est jeté dans mes bras. Se jeter sur quelqu'un pour le maltraiter. Il se jeta sur son ennemi. Le chat se jette sur la souris. Il se jeta au milieu des ennemis. Il se jette dans le travail à corps perdu. Se jeter dans la dévotion. Abandonner un excès pour se jeter dans l'excès contraire. Se jeter volontairement dans le péril. Ce fleuve, cette rivière se jette dans la mer, dans un lac, etc.
Se jeter sur quelque chose signifie quelquefois S'y porter avidement. Les soldats se jetèrent sur ces provisions.
Fig. et fam., Jeter une maison, une cloison, un mur, etc., par terre, Démolir, abattre une maison, une cloison, etc. On dit dans le même sens Jeter bas.
En termes de Marine, Jeter son navire à la côte, ou Se jeter à la côte, S'y échouer exprès, afin d'éviter un danger plus grand.
JETER signifie aussi Pousser, envoyer, lancer hors de soi. Le reptile jetait son venin. Le tronc de cet arbre jette une espèce de gomme. Cette fontaine jette beaucoup d'eau. Le volcan jette des feux. Un tison qui jette des étincelles. Cette lampe jette un éclat très vif. Jeter un soupir, un cri. Fig. et fam., Jeter les hauts cris. Voyez CRI.
Fig. et fam., Il a jeté tout son venin, Dans l'emportement de la colère, il a dit tout ce qu'il avait sur le cœur contre quelqu'un.
Fig. et fam., Jeter son feu, tout son feu. Jeter feu et flamme. Voyez FEU.
JETER se dit particulièrement des Ulcères, des abcès, etc. Cet abcès jette du pus. Absolument, Ces ulcères, ces pustules jettent beaucoup.
Il se dit aussi des Enfants qui ont des croûtes de lait. Il se dit également des Chevaux. Ce cheval jette sa gourme. Fig. et fam., Jeter sa gourme. Voyez GOURME.
JETER se dit en outre des Abeilles qui produisent et mettent dehors un nouvel essaim. Ces abeilles n'ont point jeté cette année.
Il se dit encore des Arbres et des plantes qui produisent des bourgeons ou des scions. Cette vigne a bien jeté du bois. Cet arbre a jeté des scions. Absolument, Les arbres commencent à jeter. La vigne ne jette pas encore.
Jeter de profondes racines, S'enraciner profondément. Il se dit au propre et au figuré. Ces arbres ont jeté de profondes racines. Cet abus avait jeté de si profondes racines qu'il était bien difficile de l'extirper.
En termes de Vénerie, Ce cerf jette sa tête, Il perd son bois.
JETER, en termes de Fonderie, signifie Faire couler du métal fondu dans quelque moule, afin d'en tirer une figure. Jeter une figure, une statue en bronze. Jeter en moule. Ce fondeur jette bien.
Tout ou partie de cette définition est extrait du Dictionnaire de l'Académie française, huitième édition, 1932-1935